Archives du blog. Les origines juives de Kadhafi: un exemple de l’effet paravent en communication


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Le Chef Suprême de la Jamahiria serait d’origine juive et, après sa chute possible ou fantasmée, il pourrait trouver refuge en Israël s’il le désire. C’est du moins ce que prétend un article publié dans le magazine anglophone Israel Today. Selon l’auteur de l’article, la grand-mère de kadhafi était une juive convertie a l’Islam qui, fuyant son mari juif pour mauvais traitement, aurait épousé un chef de clan libyen musulman avec qui elle aurait eu une fille. Cette dernière serait la mère du Colonel Kadhafi. Le magazine se base sur deux témoignages de deux femmes juives qui se disent des proches du Président libyen.

Dans la foulée de ce qui se passe en ce moment dans cette région du monde, on se demande bien ce que les médias d’Israël tentent de prouver avec ces pseudo scoop à fort dosage sensationnaliste. Pour les Arabes de la région, qu’est-ce que ces drôles de révélations auraient ajouté à leur cause qui n’a que cure des origines sémites ou antisémites du Chef? Ce serait, ma foi, une vicieuse tentative de détournement d’attention de l’essentiel ou ce qu’on appelle en communication stratégique, faire l’effet paravent ou, si vous voulez, quand l’information occulte l’information.

L’effet paravent en communication, en quoi cela consiste?

En gros, cela consiste à mettre sur la scène médiatique un événement, une information, un fait divers afin que l’opinion publique s’y accroche et l’amplifie. Le but est de camoufler aux regards des critiques des incidents beaucoup plus importants mais, de par leur degré de sensibilité, on préfère mieux les passer inaperçus. L’histoire récente des médias nous en donne plusieurs exemples : il suffit de se rappeler la saga médiatique qu’avait suscitée en 1998 la pseudo affaire Clinton-Lewinsky partout dans le monde alors qu’en même temps les États-Unis frappaient massivement les principales bases du Gouvernement irakien afin de l’affaiblir et, par conséquent, faciliter ce qui allait devenir l’invasion de l’Irak par G. Bush fils. Et ce n’est pas tout. Déjà en 1991, alors que les médias du monde entier rediffusaient en quasi instantanéité les images de la chaine satellitaire américaine CNN du sensationnel Skud irakien frappant tous azimuts, Israël saisissait la peur scénarisée en direct par les images télévisées et frappait de manière encore plus brutale le peuple palestinien à Gaza et ailleurs. L’invasion de Panama par les Américains était également orchestrée en catimini pendant que le monde semblait être submergé par les images de la « révolution » roumaine vers la fin de 1989. Les exemples de ce genre se multiplient en stratégie médiatique et ce que nous vivons en ce moment dans le monde arabe risque de ne pas faire exception.

En définitive, n’est-il pas dit quelque part que ce serait bel et bien Israël et son presque impénétrable réseau de services secrets qui seraient en train de tirer les ficelles, en toute discrétion et dans les coulisses opaques du Mossad, de ce que nous pensons -du moins nous l’espérons même avec jobardise- être la chute précipitée et en cascades des indésirables chefs d’états arabes? À qui profiteraient réellement de tels changements dans ces régions de la planète? Et de quels changements s’agirait-il? Et, voilà la question primordiale, à   quel (s) prix cela serait-il possible? Qui paierait la facture une fois les passions (aujourd’hui déchaînées) se seront apaisées?

Et si vous avez besoin d’un exemple récent pour mieux répondre à ces questions, observez nettement ce qui se passe aujourd’hui en Irak après la chute de Saddam. Le peuple irakien profite-t-il réellement et équitablement des fruits de la révolution ou bien ce sont encore les forces étrangères qui délectent son nectar?

Tout l’espoir aujourd’hui est canalisé dans ces révolutions populaires que connaissent nos pays arabo-musulmans et on continue d’espérer que le fruit de leur révolte n’ira pas ailleurs. Car il est quasi amer de constater que la dynamique de toutes les révolutions populaires est souvent la même : la révolution est conçue par les esprits brillants, mise en application par les courageux et, hélas! son profit va aux lâches. Et, ce sont souvent ces derniers que l’on retrouve en avant-scène en train de se précipiter vers la gloire laissant derrière eux ceux qui ont été anéantis voire dévorés par la Révolte. Certes, puisque comme le disait le célèbre écrivain américain de science-fiction engagé Robert Anson Heinlein : « La différence entre un homme courageux et un lâche est essentiellement un problème de chronométrage. »

En tout cas pour ceux qui laissent l’essentiel et s’intéressent aux origines ethniques du Colonel, voici l’article original (en anglais) du magazine Israel Today :

israel today | Libya’s Gaddafi could find refuge in Israel – israel today.

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2 Replies to “Archives du blog. Les origines juives de Kadhafi: un exemple de l’effet paravent en communication”

  1. Votre question fait-elle allusion à la conjoncture actuelle dans le monde arabe? Si la réponse est affirmative, je dirais que oui. L’effet paravent, tel que je le decris dans l’article, est encore plus présent aujourd’hui qu’au moment ou s’est déclenchée la crise récente dans cette zone bouillonnante du monde. Car si l’effet paravent en communication stratégique désigne ce processus de camouflage de l’essentiel par le superflu (comme l’origine juive du Colonel, ou autres exemples), les événements bouleversants que connaissent nos pays (egypte, syrie, tunisie, lybie, yemen, palestine, et bien d’autres) méritent davantage de rigueur de la part de ceux qui les analysent – notamment les médias – afin de contribuer au moins à une meilleure compréhension de leurs véritables enjeux humains, historiques, politiques et économiques. Car au delà de l’aspect anecdotique de ce qui se passe, hélas! nous nous retrouvons sur le plan geostrategique de plus en plus face à des événements de tout premier ordre, mais avec des mesures de tout dernier ordre.

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