Psychosociologie de la communication: le 11 septembre dans les médias


warispeaceMédias et représentations

 Le constat est presque unanime: la plupart des analyses psychosociales des médias s’entendent pour avancer que ces derniers servent de moteur à la fabrication des représentations sociales. Quoi de mieux adapter alors que leur étude pour mieux éclairer les mécanismes qui gouvernent la formation d’une représentation? Car il s’agit d’un type de communication publique particulier et qui se distingue, par bien des aspects, des discussions quotidiennes entre personnes. Il s’agit également d’un style de communication (presse et médias en général) qui nous est familier, d’un moyen irremplaçable pour ce qui est d’obtenir de l’information.

Moscovici montre que le processus d’apport de l’information est plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Les médias ne servent pas seulement à apporter des connaissances, mais ils ont également pour tâche de les rendre acceptables par le public, en ne heurtant pas les convictions fondamentales des uns et des autres, et en leur donnant des clés pour intégrer les informations nouvelles. Les événements du 11 septembre 2001 nous servent, à cet égard, de véritable modèle. Pour tout consommateur de nouvelles,  – qu’il soit averti ou non averti– le traitement que les médias ont fait des attentats perpétrés contre les États-Unis ne saurait  échapper à cette règle consistant à rendre plus intelligibles des faits, a priori chaotiques et étranges. À en juger aussi, et peut-être surtout par le nombre très élevé d’articles, de reportages, d’émissions de radio et de télévision dont culture afghane et civilisation musulmane, identité occidentale et géographie orientale sont les thèmes récurrents. L’intérêt de ces émissions consiste à fournir à un public –dont  la réalité du conflit est une chose à définir– des « clés » que les médias qualifient d’indispensables quant à l’assimilation et l’intégration du contenu de l’information diffusée tout au long de la période de crise.

En ce sens, les médias sont impliqués dans la fabrication des représentations sociales. En clair, pour qu’une information soit reçue et acceptée, elle devra correspondre aux normes, aux convictions et aux habitudes de pensée de chacun. On sait que l’intégration des nouvelles informations se fait toujours en rapport avec les anciennes. Le mieux étant qu’il n’y ait pas de contradiction entre elles. L’aboutissement de cette intégration sera une représentation sociale, ici de la nature du conflit et – si je me permets une telle extrapolation – celle des antagonistes : dans combien d’articles et d’émissions, les médias ont essayé bon an mal an d’esquisser un profil de cet Autre qui menace voire attaque la civilisation occidentale à même son foyer! Dans combien de chroniques et de reportages on a pu lire et entendre des commentaires portant moins sur le bilan des dégâts (causés de part et d’autre par les belligérants) que sur la nature de cet imaginaire collectif qui alimenterait la haine des uns et la riposte des autres! En un mot, face au conflit, « les médias accompagnent » selon la formule des Mattelart (1993). Cette fonction d’accompagnement des médias se manifeste d’emblée par leur « responsabilité » de livrer au public les ingrédients nécessaires en regard d’une construction symbolique du sens.

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